Matin

Publié le par Isabelle

Matin

Ce matin tout est gris, le ciel, la plage et la mer. Et elle aussi se sent grise, toute grise à l'intérieur.

La douleur, la lourdeur, l'escalier qu'il lui faudra encore descendre alors que ses jambes sont si raides. Et le silence. Elle ne s'habitue pas au silence. Il la ronge, la grignote. Elle a l'impression de se recroqueviller de plus en plus autour de son cœur qui lui même se contracte jour après jour. Comme s'il allait devenir un morceau de charbon. Son cœur s'est consumé pour des choses à présent révolues. Il ne reste plus qu'une douleur intense qui tiraille son corps. Elle se sent usée comme une vieille toile, au point d'en être transparente.

Seul le ressac l'accompagne nuit et jour comme un écho à son propre souffle, et la mer semble une force étrange qui dévore son énergie.

Elle se redresse finalement, soupire et pose ses deux pieds à plat au bord du lit. Elle les fixe en attendant que sa tête cesse de tourner.

Puis elle se lève, enfile une veste d'intérieur et descend l'escalier en se tenant bien à la rampe.

Un pied, puis l'autre, sans se presser. 

Dans la cuisine, les gestes du matin s'enchaînent lentement, et tirent à eux la bobine du temps. La journée démarre.

Il fait un peu humide. Elle met en marche la cafetière, allume la radio. Et puis non. Plutôt écouter la mer. Quand même...

Le café lui réchauffe les mains, elle souffle doucement et les volutes de vapeur se dispersent comme des fantômes. 

Une pluie très fine commence à tomber au dehors. Tout est si calme. De minuscules gouttelettes tremblotent sur la fenêtre. Au loin, la plage est déserte.

Elle ouvre la porte, s'assied sur le plancher en bois, allonge avec précaution ses jambes devant elle et les observe comme de vieilles amies plus vraiment fiables.

La pluie dessine des cercles et fait bondir des petits danseurs sur son café. Elle trace des ruisseaux sur ses pommettes et de fines cascades dans ses cheveux.

Elle respire, et son cœur s'apaise peu à peu.

 

Au loin une silhouette se dessine contre le sable et les vagues.

Elle sourit, boit une gorgée de son café.

 

Pourquoi ne pas donner sa chance au jour finalement ?

 

 

 

 

Publié dans Mini textes

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E
Nostalgique et si beau ! et bien observer...un texte à garder précieusement ...pour plus tard :-) à intégrer dans un livre signé Isabelle. En fait j'adore tout simplement.
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M
Que de poésie dans ce texte ! J’aime (entre autres) : les volutes de vapeur se dispersent comme des fantômes. Et j’aime aussi l’ idée d’aller s’asseoir sous la pluie. Merci pour ce texte qui malgré la grisaille a fait sourire ma maison ce matin.
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I
Merci Mimi :)